Vous trouverez ci-dessous quelques passages du rapport d’interrogatoire de Marguerite Vianney, vers 1862, dans la forme même où ce rapport a été rédigé, avec des passages en latin. Marguerite Vianney, née en octobre 1787, est décédée à Lissieu en 1877, 18 ans après le curé d’Ars. Elle a donc été un témoin privilégié, en particulier en ce qui concerne leur jeunesse commune à Dardilly.

Procès de béatification de St Jean-Marie Vianney. Témoignage de sa sœur Marguerite.
PROCES DE BEATIFICATION ET CANONISATION DE SAINT

JEAN MARIE BAPTISTE VIANNEY

CURE D’ARS

PROCES I’NFORMATIF ORDINAIRE

TEMOIN XVI – MARGUERITE VIANNEY

1009 Session 111 – 22 Septembre 1863 à 3h de l’après-midi

1010 Juxta primum Interrogatorium, monitus testis de vi et natura juramenti, et gravitate perjurii, praesertim in causis Beatificationis et Canonizationis, respondit:
Je connais la nature et la force du serment que je viens de premier, et la gravité du parjure dont je me rendrais coupable si je ne disais pas toute la vérité.

Juxta secundum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:
Je me nomme Marguerite Vianney; je suis la soeur du Serviteur de Dieu; je suis née à Dardilly dix-huit mois après mon frère, dans l’année mil sept cent quatre-vingt-sept. Je suis veuve et sans fortune; je vis chez ma fille à Lissieux.

Juxta tertium Interrogatorium, testis interrogatus respondit:
Je m’approche assez fréquemment des sacrements de pénitence et d’eucharistie; j’ai communié il y a à peu près un mois.

Juxta quartum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:
Je n’ai jamais été traduite en justice.

Juxta quintum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:
Je n’ai encouru aucune censure ou peine ecclésiastique.

Juxta sextum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:
Personne, de vive voix ou par écrit, ne m’a instruite de ce que je devais déposer dans cette cause. Je n’ai point lu les Articles du Postulateur. Je ne dirai que ce que j’ai vu par moi-même ou ce que j’ai appris de personnes bien informées.

Juxta septimum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:
1011 J’ai toujours eu pour mon frère l’amitié, le respect et la vénération qu’il méritait. Aujourd’hui, je désire vivement sa Béatification; mais en cela je me soumets entièrement au jugement de l’Église et je ne me propose que la gloire de Dieu et l’honneur de la sainte Eglise.

Juxta octavum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:
Je ne pourrais pas dire l’année précise de la naissance de mon frère. Je sais qu’il est né au mois de Mai, qu’il a été baptisé. Quand il a reçu le sacrement de confirmation, il était déjà assez âgé, et faisait ses études chez Mr Balley. J’ai eu le bonheur d’être confirmée avec lui; il y avait déjà longtemps que, par suite de la grande Révolution, le sacrement de confirmation n’avait pas été administré dans le pays. C’est dans l’église d’Ecully que nous ayons reçu la confirmation.
Mes parents étaient très pieux; ma mère surtout se faisait remarquer sous ce rapport. Dans la maison paternelle, on ne voyait que des prêtres, des religieuses et des pauvres. On cachait les prêtres pendant la grande Révolution; ils venaient quelquefois dire la messe chez nous.
Nos parents nous aimaient tous; les voisins disaient quelquefois à ma mère: Oh! que vous êtes heureuse d’avoir de tels enfants!… Je me rappelle en effet que jamais nous ne nous sommes contrariés. Je me rappelle pareillement que Jean Marie nous édifiait; il priait presque continuellement.
Mon frère Jean Marie vint au monde vers minuit. La sage-femme sortit dehors, et en rentrant, elle dit: Oh! mon Dieu! cet enfant sera un grand saint ou un grand scélérat. Ma mère fut troublée de ces paroles et mon père réprimanda vivement l’imprudente sage-femme qui, en prononçant ces paroles, n’avait pas assez fait attention à l’état où se trouvait ma mère. Je tiens cette particularité de mon père et de ma mère, qui me l’ont répétée bien des fois.

Juxta nonum Interrogatorium, testis interrogatus respondit:
Jean Marie n’avait encore que six mois; ma mère, avant de lui donner sa soupe, avait soin de lui faire faire le signe de la croix. 1012 Un jour, elle l’oublia; l’enfant ne voulut pas manger, et il caressait les mains de sa mère, comme pour lui demander quelque chose. Elle comprit à la fin, lui fit faire le signe de la croix, et il mangea sa soupe de bon coeur. Ma mère nous a mille fois raconté ce trait.
Il avait à peu près trois ans lorsqu’un soir, il disparut, sans qu’on pût savoir ce qu’il était devenu. Comme il y avait une pièce d’eau à coté de la maison, ma mère craignit un malheur et fit même rechercher si l’enfant ne se serait pas noyé. Lorsqu’elle alla à l’étable, elle entendit le chuchotement de quelqu’un qui prie. C’était Jean Marie qui, caché entre deux vaches et à genoux, faisait dévotement sa prière. Ma mère le gronda et lui dit: Comment? Tu vas te cacher pour prier? Tu sais bien que nous faisons nos prières ensemble. Pourquoi te cacher et me donner une si grande inquiétude? – Jean Marie, tout confus de la peine qu’il lui avait causée, se jeta dans ses bras et l’embrassa avec affection en lui disant: Mère, pardonnez-moi, je n’ai pas voulu vous faire de la peine; je n’y retournerai plus. Je me rappelle que plusieurs fois ma mère a fait allusion à ce trait et lui a dit en notre présence: Tu m’as causé beaucoup d’inquiétude quand tu t’es caché. C’est de ma mère que je tiens tout cela.